Israël, pays du lait et du miel, mais pas de beurre au supermarché (et 9 autres paradoxes)

La dernière fois que j’ai voulu faire réparer la prise de mon routeur internet, ça m’a pris 8 jours. J’avais malencontreusement déplacé un canapé et la prise s’était cassée. Je pensais naïvement que dans le pays de la Startup Nation et du high-tech, je pourrais acheter la pièce manquante dans n’importe quelle succursale de mon prestataire internet : que nenni.

Il m’a fallu attendre 8 jours, visiter 6 magasins dont plusieurs accessibles en voiture, mener 4 conversations aigres avec des personnes incompétentes se contredisant les unes les autres. Affronter le réparateur qui ne fait rien d’autre que nous proposer un routeur à louer plus moderne, 2,5 fois plus cher que le précédent. A bout de nerfs, j’ai pensé déposer une plainte et monter un lobby de consommateurs floués, avant de tout oublier une fois le dommage réparé. Il m’est tout de même resté une questions dans la tête : comment en 2019 dans un pays sur-développé peut-on mettre 8 jours pour remplacer une foutue prise internet ? le sujet tombait à point nommé car j’organisais une conférence sur les paradoxes de la société israélienne avec un économiste qui, je l’espérais, pourrait apporter quelques éléments de réponse. Jacques Bendelac nous a listé 10 paradoxes que je veux rappeler ici, sans prendre position. 

1. La Nation High-tech a une pénurie de main d’oeuvre qualifiée

Israël fait face à une pénurie de main d’oeuvre – notamment qualifiée. En termes de recherche, le ratio de dépenses R&D / PIB a baissé, et Israël s’est même faite doubler par la Corée (du Sud). Seuls 8% des personnes actives travaillent dans le High-tech, contre 92% dans le low-tech. 

Je suspecte mon réparateur internet d’appartenir au groupe des 92%, sinon les stats me paraissent fausses. 

2. Israël est une économie riche, mais beaucoup de citoyens sont pauvres

Israël a beau avoir beaucoup de succès en termes de nombre de startups rachetées, d’innovations et de prix Nobel, niveau justice sociale, il y a encore des progrès à faire, selon notre économiste. Avec un rang de 35/36 sur le ranking de l’OCDE, Israël a devant elle une belle marge de progression pour l’avenir.

3. Israël dispose des vaches les plus rentables au monde mais il n’y a pas de beurre dans les supermarchés

Selon Jacques Bendelac, Israël est clairement une économie de monopole, où une entreprise peut dominer 80-90% d’un marché donné. Dans le cas du beurre et des produits laitiers, le pays souffre d’un manque cruel de concurrence, notamment à cause de la mainmise de la famille Strauss sur l’industrie laitière. Que font les autorités de la concurrence ? l’importation de beurre européen ferait baisser les prix, mais les importations sont soumises à des quotas sévères. Tnuva symbolise les paradoxes ; entreprise familiale, a fait un exit auprès d’une entreprise chinoise.

On a donc le choix entre du beurre finlandais au compte-goutte, ou du beurre français au triple du prix. Ce blocage des prix expliquerait le coût de la vie notamment alimentaire. En attendant, on va mettre de l’huile d’olive dans les épinards.

4. On travaille bcp en Israël mais on produit peu 

Un Israélien travaille en moyenne 43 heures par semaine mais produit 40% moins qu’un Français. 

Ok, donc les Français seraient plus efficaces. Peut être parce qu »ils sont en vacances toutes les six semaines ? 

5. Israël est un pays où 40% des gens exercent un métier qui va disparaître dans 20 ans

Tout se modernise, se robotise, depuis les caisses dans les supermarchés aux métiers plus complexes dans l’agriculture, et les formes de travail changent. Les reconversions ne sont pas toujours simples. 

Cela dit, ce challenge est-il forcément propre au pays ? Et c’est ce qu’on disait aussi du poinçonneur des Lilas et des employés dans le métro.

6. Israël est fier d’avoir reçu 12 prix Nobel mais les résultats scolaires sont en chute libre

Apparemment, l’éducation n’est pas le premier poste de dépense, ni la préoccupation du gouvernement. 

Ouille, il va falloir que je m’investisse de près dans l’éducation des petits. 

7. Le pays compte trop de voitures et pas assez de routes

Israël compte deux fois plus de voitures par km de route que n’en compte l’Europe ! Le manque d’infrastructures et de transports en commun préoccupe tous les habitants. Exemple récent : le tramway de Jérusalem, qui a mis 15 ans avant de rouler sa première station. Les problèmes politiques et financiers ne favorisent pas le rattrapage d’un tel retard.

Pas étonnant que des ile dées telles que Waze, Moovit, Mobileye et toutes les entreprises de cartographies et d’optimisation du trafic soient nées ici, où le besoin de désengorger les routes était d’actualité.

8. Israël a un niveau de médecine très élevé mais les files d’attentes sont trop longues pour les usagers 

On manque de médecins, d’infirmières et personnel médical. Les spécialistes sont trop rares pour une population croissante. Jacques Bendelac a souligné le manque de formation, de budgets et d’infrastructures. 

A quand les médecins robots ? 

9. Le pays est riche mais fait encore appel à l’aide américaine

Israël reçoit 3.8 milliards d’aide par an. La bonne stabilité financière du pays fait affluer les prêteurs.

Est-ce un bon calcul, sachant que cette aide est destinée à être dépensée aux Etats-Unis ? Les budgets alloués servent plus à soutenir les achats militaires que de faire venir les dernières collections de fringues. 

10. En 2020, les riches votent à gauche et les pauvres à droite

Cette tendance dure depuis 20 ans et se confirme d’élection en élection. . Pourquoi? Les villes les plus pauvres votent à droite et les choix électoraux seraient plus culturels et identitaires qu’économiques. 

Projections 2020 : qui tirera l’économie vers le haut ? Le gaz, le cannabis et l’industrie de la cyber securité selon notre économiste. 

Tous ces constats ne vont pas m’aider à trouver du beurre pas cher et à régler la prochaine panne internet, mais j’ai un meilleur panorama de l’économie en Israël.

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Elodie Tordjman-Garel created the content agency Smart Content and advises companies on their communication strategy.